L’exposition de cette peintre française de haut niveau a été une surprise : un dépouillement de soi, des toiles exposées sans manières et avec simplicité. Une peinture au chromatisme très varié qui s’entrelace, dans un appel formulé avec clarté par l’énonciation directe des tons, et où la figure humaine, évoquée, et les objectifs pratiques d’un impressionnisme singulier se confondent avec le surréalisme compréhensible par le trait, la perspective et la culture gauloise qui définit immédiatement la valeur de l’art.

Emma Henriot n’utilise pas le creux de la substance, et le « sentiment » de création éclaire l’art contemporain par son style, l’idée et une conception de l’art consciente reflétant une esthétique édifiante par son point de vue, presque dans une poésie de verbe purifiant. Le passage de cette artiste a été un souffle d’air frais sur la ville de Coïmbra, ce processus de décomposition de la « toile » pour unir les atomes dans le « tout », comme le faisaient Ortiz et Utrillo, le chanteur de Paris, de ses rues, de la bohême et de l’ascétisme. Le mouvement, la lumière, l’ombre, les angles, la distance, le temps serein ou la rhétorique inquiète – voilà entre autres ce que l’on peut observer dans l’excellente exposition du café Santa Cruz, le tout dans un lyrisme fort, même dans les détails plus byzantins, comme si la peintre reconnue souhaitait ajouter une apologétique moraliste. Si elle ne perd pas son enthousiasme et son talent, Emma Henriot va encore faire beaucoup de chemin en Europe et se hisser au plus niveau. De prime abord, cette peintre montre une personnalité qui transforme le quotidien simple en beauté relative, en cycles artistiques, avec vitalité et dynamisme, malgré des passages d’impressions subjectives comme s’il fallait changer la création, et c’est l’apanage des bons artistes, même des génies, comme Pinho Dinis, la gloire de l’art de Coïmbre et du pays, Lúcia Maia dans l’invention du rêve de ses figures extraordinaires, que tente de représenter Emma Henriot de façon universelle avec cette joyeuse schématisation de la toile. Ce qui se voit le plus est que l’artiste passe des antinomies au figuratif dans une ligne très romantique, ce qui lui confère une atmosphère poétique. Pinho Dinis, maître nostalgique, et Lúcia Maia, artistes insignes avec certainement une étoffe d’infini, applaudissent cette exposition du café Santa Cruz. Pas de fièvre extravagante, ni de délire de l’absurde, mais une bonne lecture des toiles, des

sentiments, de l’idéal de la peintre, qui nous montre jusqu’où on peut aller. La critique ne peut être impitoyable ni cloisonnée, et le commentateur, ou le critique, ou le public doivent être directs, qu’ils le veuillent ou non. Il existe certains intellectuels toujours prêts à rejeter nos artistes, même s’il s’agit de José Berardo, Luis Pimentel, Vasco Berardo ou même J. Eliseu (fils), des monstres sacrés de notre art national. Et le dépit ne cesse d’augmenter, comme un signe des temps dans lesquels nous vivons. Il reste ces lignes écrites sur une table du café Santa Cruz, le cénacle actuel de l’art et de l’humanisme.

Publié en Décembre 2011, Par Manuel Bontempo